Pour un bail de plus...

Une gerbe à la mémoire de ces décennies perdues. J'ai fait une relation plus détaillée dans "Bouquet d'anniversaire" sur Canal Décharge. Il est beaucoup plus suivi et lu qu'ici. Imaginez un seul instant que c'était pas gagné en ce 30 novembre des années 50, parce que je suis né mort, étranglé par mon cordon, pesant pas 800 grammes (j'ai encore le plateau qui a servi à me peser : pas 30 cm). L'homme est la seule espèce à payer pour exister sur Terre disait quelqu'un l'autre jour sur FB... Oui, c'est aussi la seule espèce à faire vivre des crevards comme j'étais. Parce qu'après ce mauvais coup, où on me sauva envers et contre tout avec pendant des semaines quatre bouillottes autour de moi dans cette masure glaciale qu'une cheminée poussive peinait à réchauffer, j'ai choppé toutes sortes de vacheries successivement... Ma mère a répété toute sa vie : "- t'es né comme un chien, comme un animal"..; Bien sur que non ! Un animal y aurait laissé sa peau. On n'aurait pas fait des pieds, des mains et de l'esprit ; parce qu'on a prié aussi ; pour que je vive. J'aurais fini, petite chose oubliée au coin d'un buisson, proie des prédateurs et basta. Etre ou ne pas être n'est pas la question monsieur William Shakespeare ; la question est aussi vaseuse que celle que me posa un jour un curé à demi défroqué (il ne croyait plus au Christ et encore moins à la messe) : "- Pourquoi y a-t-il quelque chose plutot que rien ?", tirade qu'il tenait de je ne sais quel philosophe, ou coupeur de cheveux en quatre comme ils sont tous.
Dans la mesure où nous existons ; "- Je pense donc je suis" affirmait Descartes qui était croyant ou tout au moins déïste ; nous ne pouvons envisager le non être. Si il n'y avait rien, le monde n'existerait pas, et moi non plus, la question de l'être ne se poserait donc pas. Par contre l'Univers aurait bien pu exister sans moi, et si je n'étais pas, la question des regrets et désenchantements ne se poserait pas. Ca aurait fait des vacances à un tas de monde, y compris moi d'ailleurs.
Le temps a passé, fleuve tumulteux et sauvage m'entrainant dans son sillage comme un fétu à la dérive. Ca a servi à quoi sinon rien ? Mais le temps est là avec son empreinte débile et indélébile qui fait que de jolie chose qui émoustillait les jeunes filles, je suis devenu vieille loque malade et misérable. Entre les deux, rien que des conneries tant, comme le disait si bien Héraclite ; qui pour une fois ne racontait pas de conneries ; "les opinions des hommes ne sont que des jouets d'enfants". Napoléon l'avait-il lu ? Bouddha lui a du l'inspirer... à moins que ce ne soit l'inverse ; on a découvert récemment que Bouddha est né 300 ans plus tôt que ce que l'on pensait jusqu'ici.
Le temps qui unit dans son lit des cheveux blonds, des cheveux gris bien plus que l'amour trop souvent tout aussi volatil quand on le confond à la passion des sens comme on le fait aujourd'hui. Les physiciens en se référant à la relativité et plus encore à la mécanique quantique affirment que le temps n'existe pas. Belle baliverne qui confond l'équation jaillie de l'imagination humaine, l'instrument de mesure étalon aussi, et l'objet observé. Qu'ils se foutent un coup de surin dans la pogne et ils verront bien qu'il y a un avant relativement supportable et un après infernal.
Le temps a fait son oeuvre. Il est comme une poignée de sable qui file entre les doigts d'un enfant. Quand la main est vide t'as perdu tes illusions et ça sent le sapin. Hors justement, en cette veille de l'Avent, ça sent le sapin, celui qu'on dresse en l'honneur d'un enfant auquel seuls quelques uns croient et espèrent encore ; les autres ont fait de cet axe reliant Ciel et Terre le pilier du culte consumériste à outrance qui sonne le glas de notre civilisation désaxée. Pendant ce temps en Asie s'agitent les militaires. La tension est à son comble entre les Chinois, Japonais et Américains... Une odeur de fin du monde. Comme vous je suis impuissant devant la connerie. Mais certains d'entre vous préfèrent semer la haine à tous vents plutôt que de considérer que lorsqu'on accueille quelqu'un, on le prends comme il est en lui demandant juste de pas foutre le feu à la carrée. Mais quand c'est quelqu'un "bien de chez nous" qui le fait on aplaudi. Enfin, tout cela m'emmènerait trop loin. C'est juste pour dire que quand je vois le monde par rapport aux belles choses que j'aurais voulu y mettre, je me dis qu'il eût mieux valu que je n'existât point. Personne ne s'en serait soucié. L'Univers aurait continué sur la même lancée. Il n'y a que les imbéciles et les pédants pour se croire indispensables et remercier le Ciel d'en chier chaque jour davantage. Beaucoup m'ont fait la morale à ce sujet. Ceux qui m'ont donné des leçons, pas UN n'est venu partager ma souffrance quelques jours, et pas UN n'a eu le moindre geste de solidarité. Ceux qui furent ; peu nombreux ; solidaires de mes galères, ne me firent jamais la morale sur mes considérations. Oui, franchement, il eût mieux vallu que je n'existe pas. Je ne me demanderai pas aujourd'hui quand ça va s'arrêter enfin ma chute à l'abîme. Parce que demain je serai encore un peu plus que hier dans la merde. Alors c'est mon anniversaire, oui, mais c'est pas joyeux. Je suis d'autant moins joyeux que j'entraine avec moi quelqu'un qui m'est très cher. C'est aussi l'anniversaire de notre mariage et celui de notre emménagement ici, ce dont je suis responsable. La vie est une tartine de merde qu'il faut bouffer jusqu'au bout disait un de mes oncles y'a quelques années de façon prémonitoire. Je ne le vois plus mais je le sais invalide à 90 % lui qui était une force de la nature que j'admirais enfant. Un tel naufrage me fait fortement réfléchir sur l'utilité de tout ça. Et Dieu dans tout ça me diront les rares croyants parmi vous ? Mes chéri(e)s "Dieu" vous ne savez pas ce que c'est ; "tout ce que vous pourrez en dire il ne l'est pas et est plus encore" disait je ne sais plus quel mystique. Je partage cette considération et ce que vous appelez "Dieu" n'est le plus souvent que votre Ego que vous projetez sur une image que vous vous faites. Dieu ne s'entends que dans le silence du Moi, et l'écoute du Soi. Le lâcher prise total. Vous en êtes loin sinon vous ne me donneriez pas de leçons. Certains d'entre vous se croient guidés par leurs disparus et se basent là dessus pour me chapitrer. J'espère qu'il n'en n'est rien ! Que vos disparus, comme les miens, sont entrés dans la Lumière spirituelle, le repos éternel, et qu'ils ont autre chose à foutre que de s'emmerder avec mes petits malheurs égoïstes alors qu'il y a tant de grandes choses et de malheurs sur Terre et dans le Cosmos.
La vie est souffrance disait le Bouddha et il avait raison : toute forme de vie est sacrifiée à une autre dans la souffrance et la lutte avec les éléments. Le bonheur que la modernité voudrait permanent n'est qu'une hallucination basée sur le désir au service du plaisir éphémère ; ce dont Gautama aspirait à sortir. Jésus ne disait pas autre chose quand il affirmait que le Royaume n'est pas de ce monde. Par ce Royaume il entendait le lâcher prise total. C'est parce que le larron lâcha prise qu'il lui promit le paradis... Lorsque j'arriverai à ce stade, cette vieille carcasse s'éteindra..; ça prouve hélas que quelque chose en moi se cramponne encore à cette stupidité inutile qu'est une vie qui ne sert à rien. Connerie égotique. Bientôt la misère m'enseignera le dernier renoncement je pense. On ne peut rien contre l'inéluctable. Vous ne verrez pas cette image parce que je vous dirai sans doute adieu bien avant, contraint et forcé. Je suis un dégat collatéral, et finalement, en ce jour de mon anniversaire, je me dis que c'est bien dommage. Tant de matière gaspillée pour juste faire quelques crottes et contribuer à la destruction de l'écosystème, c'est d'une ironie !