Echappée sauvage...
Après tous ces papiers à thèmes vitriolesques, que je vous entraine dans ma dernière virée, c'était mardi. Ca nous changera. C'est pas formidable la campagne ces temps-ci. Un échafaudage d'acier au service de la surconsommation energivore enlaidi la plaine désolée où néanmoins les blés commencent à lever.
Là un chêne rompt la monotonie du paysage, vestige d'un temps où tout n'était pas nivelé par l'agro-industrie à la remorque des dividendes boursiers.
Ailleurs une victime de la route ou d'un chasseur a commencé d'être dévorée par un autre prédateur. Il est bien rare que le tueur range la dépouille sur le bas côté, ce qui était le cas ici.
Plus loin un matou ré-ensauvagé à l'affût de sa pitance. Est-il si malheureux ? Moins en tous les cas qu'un renard ou une fouine, lui qui n'a rien à craindre de la chasse sauf exception. J'en ai croisé plusieurs comme lui, en maraude de gagnage, comme n'importe quelle sauvagine.
Quelque part dans les bois un sentier balisé où je me suis engagé pour plusieurs kilomètres. Comme quoi ma guibole reprends doucement du service... Pas trop tôt, ça suffit de mes autres cabourneries à me casser les roubignoles.
Tiens ? Les oiseaux n'ont pas tout mangé les fruits. Etonnant à cette époque. Vous connaissez ? On appelle cela du fringon. C'est en chevauchant un balais de ce métal que nous autres sorciers nous rendons au sabbat où, racontent les gens prétendûment informés, nous nous livrons à toutes sortes de pratiques innomables à la gloire du Malin. Expliquez leur que la moquette est contre indiquée aux gens trop imaginatifs.
Même à cette saison les sous-bois recèlent des secrets et des surprises révélatrices de mécanismes patiemment élaborés au fil d'une lente gestation où chaque chose a sa place. Les lichens précèdent les mousses suivies des champignons qui nettoient et digèrent les restes des arbres arrivés en fin de vie ou abattus de main d'homme ou de souffle de tempête.
Il en est qui sont superbes tout de même. La palette des couleurs de la nature produites spontanément tout au long de l'année nous a précédé sur le chemin de l'art.
Même là le prédateur suprême a laissé sa trace indélébile. Je me perds en conjectures sur le rôle de ces bornes placées de loin en loin tout le long du chemin à distances inéglaes les unes des autres, entrièrement ronggées par les mousses pour la plupart. C'est une des mieux conservées. De loin en loin une borne plus haute semble marquer une étape, mais le nombre de petites bornes entre chacune n'est pas exactement le même ou en tous les cas ceux qui ont posé ça ne comptaient pas en base dix puisque la prochaine dominante porte le numéro 1148. Enigme. Les troupes allemandes et américaines ont occupé le secteur, peut-être était-ce un chemin de patrouille ?