En quête de quintessence
Les pèlerins en quête de sens, de quintessence, et parmi eux les chercheurs attachés à la compréhension, ou la réalisation, du Grand Œuvre, ont laissé des clés, des indices, des symboles dans la pierre qui se conserve mieux qu'un livre de papier à la merci des moisissures, des rats, des incendies. Ils espèraient ces images défiant les siècles pour les générations à venir. Mais, en dépit des efforts d’entretien et de restauration permanents ces deux derniers siècles tout particulièrement, cela peut aussi disparaître. Comme un nom qu'un enfant écrit sur le sable de la plage, bientôt dissous, effacé par la marée.
Que les balises laissées par nos aïeux croisent les ornières de la barbarie iconoclaste de la vulgarité crasse, et des joyaux peuvent être perdus à jamais. Ou les aléas de pas de chance comme ce fut le cas à Dampierre sur Boutonne le château aux célèbres caissons alchimiques évoqués par "Fulcanelli" et Eugène Canseliet, qui a brûlé il y a quelques années. Ma dernière visite s'est faite quelques jours avant. Il a été restauré au mieux m'as-t-on dit, mais je ne sais pas dans quelle mesure.
Pour le premier cas je pense plus particulièrement au château de Terre-Neuve à Fontenay Le Comte ; auquel Fulcanelli, dans son ouvrage les demeures philosophales, consacre plusieurs pages. Construit en 1580, par Jean Morisson, pour Nicolas Rapin, poète, Grand Prévot de la Connétablie de France et compagnon d'Henri IV. Dans ce Joyau de la Renaissance Française, il reçut d'illustres personnages dont le Duc de Sully, et Agrippa D'Aubigne.
Restauré au XIX° siècle par le comte Octave de Rochebrune ; célèbre aquafortiste mais aussi F. : M. : ; qui ne cessa de l'embellir, y réunissant tout ce qui, dans sa quête de vérité, pouvait faire sens. Les Muses proviennent du Château de Coulonges, l'une des portes a été récupérées à Chambord etc... Les plafonds à caissons, la monumentale cheminée hermétique sont d'un intérêt exceptionnels ainsi que l'étaient les superbes vitraux alchimiques du RDC dont le décryptage reste à faire.
Malheureusement le Château aurait été cambriolé m'a dit un guide. Du coup les vitraux du RDC ont disparus ; je suis un des rares à en posséder des photos (remontant à 1980) réalisées grâce à l'autorisation spéciale obtenue d'un copain membre d'une société ésotérique ; de même je n'ai pas revu le portrait d'Octave de Rochebrune ; par contre le magnifique linteau de cheminée est toujours en place ; de même que le portrait dit "du comte de Saint Germain"...
Sur ce dernier, j'ai un doute. « Saint Germain », qu'on nous présente comme tel lors de la visite, ne ressemble guère aux autres portraits du comte qui circulent dans divers ouvrages. Il porte une perruque plus familière du siècle précédent sa présence attestée dans notre pays. Sauf à admettre qu'il ait été en possession de l'or potable et plus ou moins immortel ; ou comme l'a évoqué Jacques Bergier, voyageur temporel... Ne nous égarons pas. Toutefois ce tableau a quelque chose de remarquable. Je vous invite vivement, lors de votre éventuelle visite, à fixer ne serais-ce qu'un instant les yeux du tableau, et ensuite vous en détacher, et bouger un peu de coté sans cesser de regarder le portrait. Vous vous apercevrez alors que le regard vous suit quelle que soit votre position dans la petite pièce. Fascinant procédé artistique que nous sommes bien incapables de reproduire de nos jours avec toute notre technologie. Ce qui est un peu normal eût égard à l’ère de décadence des repères où nous sommes. Les anciens artistes cherchaient à transmettre quelque chose que la plupart ont jeté par dessus les moulins ; un message emprunt de sacré qui visait l'essence des choses.
Les photos argentiques réalisées sans projo ni flash, en 300 asa pour ce qui est de l'intérieur, ne sont peut-être pas de la meilleure qualité, mais leur rareté même, en soulignent la préciosité. J’ai réunis en une seule image les deux vitraux qui ornaient l'un le bas du vantail gauche, l'autre le droit, évoquant certes le soleil et la lune, l'or et l'argent et sans doute bien d'autres choses. Je crains fort qu'on les oublies pour toujours. Lors de ma dernière visite, mon guide ignorait qu'il y avait eu là des œuvres remarquables. Je n'en n'ai trouvé mention nulle part. Alors il m'a pris l'envie d'en laisser une trace tant ils sont chers à mon cœur. Parce qu'au delà du côté patrimonial il y a la quête, et au delà de cela il y a l'expérience personnelle, mais justement, ça, c'est personnel. Là où ma vie ressemble à un naufrage, j'ai poli un petit cailloux que vous ne verrez jamais. C'est lui qui, attaché à mon âme m'entrainera dans les profondeurs où j'irai me dissoudre, petit grain de sel dans la soupe de l'infini.