C'était un petit navire
C'était un petit navire, qui n'avait jamais navigué,.qui n'avait jamais navigué. Ohé, ohé du bateau, oh oh oh oh ; la vie m'a emporté trop tôt au large des sentiers battus... Moi le terrien, je devenais marin par intérim et d'opérette, volontaire parce que les uniformes caca d'oie me sortaient par les yeux et que le large me semblait plus vivifiant qu'un champ de boue, et l'iode plus saine que l'odeur de poudre. J'ai embarqué pour des lendemains de galère lorsque j'ai quitté ce bord pour embarquer sur un hauturier, un fameux trois mats fier comme un goéland, portant pavillon de composition, à la découverte des sous sols des égouts et des terres de mystères inconnues des gens bien pensants. La croisière touche à sa fin. Échoué sur une grève de hasard couverte des détritus d'une civilisation délabrée où quelques âmes vaillantes essaient de passer la serpillière après les orages... Je ne savais pas où j’allais vraiment et je chantais...
Dis moi beau navire
Pour qui tu navigues
Et quel est ton pavillon ?
S'il est noir et rouge,
Nous ferons la route
Qui mène à l'horizon
De quoi prendre un commandement
Mais je n'ai jamais rien commandé que la soupe dans mon assiette quand j'en avais, et la révolution qu'on me promettait et à laquelle je n'avais guère foi mais que j'aurais accueillie avec joie (à l'époque) n'a jamais abordé...
Il n'est jamais venu, le bateau, ni vent debout ni vent arrière ; et Je n'ai pas eu le temps, pas le temps, de visiter, toute l'immensité, d'un si grand univers. J'en ai à peine effleuré la diversité. J'y ai attrapé le vertige et suis resté désabusé... Bientôt 60 coups vont sonner à l'horloge, et je suis encore à ma fenêtre, je regarde, et j'm'interroge ? Maintenant JE SAIS, JE SAIS QU'ON NE SAIT JAMAIS ! La vie, l'amour, l'argent, les amis et les roses
On ne sait jamais le bruit ni la couleur des choses
C'est tout c'que j'sais ! Mais ça, j'le SAIS... !
Et tous les branquignoles qui prétendent savoir quelle attitude avoir, ou détenir la vérité, ou une parcelle de vérité, ne sont que des menteurs ou illusionnés par leur cinéma intérieur comme je l'ai été. Il me fallait tromper le capitaine Désespoir, commandant un canot prenant l'eau de toute part et prétendant au titre de navire.
Je suis né un 30 novembre, mort... Comme quoi ce n'est pas un obstacle à la vie. Dans des conditions digne des portraits les plus noirs d'un Zola, d'un Sue, voire Hugo... Je l'ai côtoyée bien des fois ensuite, la compagne de mon premier soupir... En tant qu'acteur ; visiteur occasionnel de l'antichambre de l'esprit ; mais plus encore en tant que témoins... Mon premier deuil, j'avais trois piges. Le deuxième j'en avais 8 et là j'ai assisté à la jouissance du chauffard tuant mon petit camarade sous les yeux... Et puis ça à continué... La liste serait longue. A 16 piges j'avais déjà une douzaine de gens aimés au boulevard des allongés... Un 18 juin me garrocha dans la vie d'adulte... On ne me fit ni quartier ni cadeau... J'avais encore quelques chimères en tête, mais je réalisais que j'allais sombrer corps et bien... Alors un premier avril, deux ans après... J'ai mis la voile pour n'être plus qu'un étranger ne sachant plus très bien où il allait. Un deuxième accouchement en somme. Une deuxième naissance. C'est là je crois que ma vie a vraiment commencée. Ce que j'ai fait depuis ? Ben... des conneries. Vous avez la chance de vous croire utiles et importants. Tant mieux pour vous, pas moi. Je ne suis qu'un peu de poussière temporairement assemblée en une apparence humanoïde... Apparence seulement. Votre langue et vos raisons me sont totalement inintelligibles...