Le car à vannes me dépasse

Aux abois, le car à vannes me dépasse ; ma situation matérielle est catastrophique, sinon désespérée, comme chacun sait, à l'unisson de ma santé, mais pour ce qui est de mon cigare surchauffé il tient toujours à peu près la route. On m'a reproché de faire des fautes sur internet ; c'est vrai, ça tient à la combinaison d'une grande fatigue, doublé d'un manque d'attention parce que j'ai du mal à suivre ce qui se passe sur l'écran et le clavier en même temps alors que souvent je m'occupe d'autre chose simultanément. Contrairement à ce que croient certains je fais beaucoup de choses et je ne prends pas assez de temps pour me relire. A ce que je puis voir ici et là je ne suis pas le plus catastrophique, et quand je lis des journaux à grand tirage confondre le démonstratif et le possessif ; une des premières leçons du « Bled » ; l'infinitif et le participe passé, je me dis que le temps des ouvriers du livre est bien terminé ! Ces prolétaires hautement qualifiés qui furent le moteur des vrais syndicalistes, par conscience de leur propre valeur, ceux du temps de la charte d'Amiens, héritiers de l'ancienne corporation des typographes et imprimeurs qui supplantèrent à l'avènement de la presse celle des copistes. Les exigences étaient telles que la moindre bavure, le moindre mastic, valait sanction immédiate non seulement du patron, mais des collègues et compagnons. Beaucoup étaient compagnons bouclés du reste. A parcourir le net je découvre non seulement une orthographe massacrée, y compris et beaucoup par de plus instruits, plus jeunes souvent, et prompts à faire la leçon à autrui. Peut-être sont-ils comme moi à la fois au four et au moulin à parole ? Tout de même ! Certain(e)s n'atteignent même pas le niveau de ma pauvre mère, qu'une vie de labeur empêcha de se cultiver, et ne termina jamais son cycle primaire par dégâts collatéraux des bombardement dits libérateurs... Bombarder une école voilà qui était héroïque. D'autres ont repris aujourd'hui la méthode, mais je dérive.
Cousins des ouvriers du livre, les peintres d'enseignes dont la profession exigeait rigueur, maîtrise de l'orthographe tout autant que les précédents, et sens artistique à la manière des anciens enlumineurs. Tout un art. Une profession qui tombe peu à peu en désuétude par le développement des enseignes autocollantes conçues par PAO et tirées vite fait à l'imprimante en flux tendus ; une commande ne devant pas attendre l'autre pour maintenir un chiffre d'affaires viable.
Il arrive toutefois que certains fassent encore appel à des concepteurs « à l'ancienne » pour leurs travaux. Et c'est là qu'on voit que la dégradation de l'orthographe, de la grammaire, s'étendent jusque là ! Témoin le panneau que j'ai photographié et qui est loin d'être le seul dans sa catégorie et pas seulement localement. On ne peut pas dire que ce soit valorisant d'afficher un tel ratage. Conséquence d'emploi d'ouvriers non qualifiés juste sur leur bonne mine et leur docilité plutôt que leurs compétences ? Leur conformité au moule et/ou leur faible coût ? S'il en est de même de l’architecte, des maçons et plombiers, peintres etc... Je me dis que la résidence doit être un chouïa approximative ! Les résidents remarquez sont sans doute de la même veine et se contentent des apparences ; ils peuvent s'enorgueillir d'habiter une adresse prestigieuse au contraire de ces pouilleux des HLM hein ? Culte du paraître, sauf que là, le paraître laisse à désirer.
Pour mémoire je vous rafraîchis la vôtre relativement à une faute monumentale, sur le panneau, que vous ne verrez pas vu comme vous écrivez la plupart :
=> résidant est un adjectif, résident est un nom ; « Personne qui habite une résidence, qui vit habituellement dans une résidence ou y est hébergée »,  exemples : « Les résidents d’un foyer, d’une maison de retraite. Les résidents de la Cité universitaire de Paris ».
Cette désintégration de l'écriture est un phénomène déjà vu dans l'histoire des civilisations. Commune à toutes celles qui sombrent. Il en fut ainsi de Rome ; les historiens sérieux font tous référence au latin bâtard qui peu à peu remplaçait la langue pure au temps de l'effondrement. Il n'y eut guère que les monastères chez nous, pour sauvegarder des bribes, recopiant sans les comprendre souvent des textes de l'antiquité, ce qu'il en restait, en marge de la Bible. Cette période s'accompagna d'une grande confusion dans les esprits, d'une dégradation des mœurs et d'un repli sur soi dans un chauvinisme de mauvais aloi où la raison du loup l'emportait sur celle de l'agneau⁽¹⁾,avant que ne s'élabore un nouveau modèle de règles et de société basé sur la féodalité. Ere pas si obscure qu'on se plaît à nous le claironner. Mais dans l'intervalle il y eût cette nuit où on ne pensait qu'en termes d'immédiateté et de satisfaction personnelle. Notre époque n'est-elle pas un écho à très grande échelle ? Le bateau fait eau de toute part et l'absurde est au pouvoir. Quand plus personne ne fait attention même à la qualité de la langue sur un panneau sensé valoriser ce qu'il représente, y'a du souci à se faire ! Cet état d'esprit va de pair avec l'incivisme, la violence, et tant d'autres choses...

(1) NDLR : Se conférer à la Fontaine et/où Ésope son inspirateur, comme vous le dira n'importe quel dictionnaire de noms propres de base, n'en déplaise à une institutrice de Seine et Marne qui dans les années 90 punit mon fils pour avoir osé soutenir cette thèse !! Quand je vous dis que la « civilisation » part en couilles : mêmes les enseignants peuvent faire preuve d'une ignorance crasse des connaissances de base.