Au temps de la bascule à Charlot

Il ne s'appelait pas Charles mais Louis et on faisait remonter ses origines au Duc Capet alors que la filiation  ne pouvait vraiment être assurée comme certaine que depuis Henri de Navarre l'amateur d'ail (comme moi). Il s'appelait Louis qui était une altération progressive du nom de son illustre ancêtre approximatif Clovis, germain dégrossi par les charmes d'une sainte chrétienne, qui piquait des colères quand on cassait un vase. On a raccourci Louis XVI par vengeance au nom d'un "idéal" qui n'a jamais vraiment tenu ses promesses, revendiqué d'un Voltaire qui avait de grands intérêts dans le commerce triangulaire de chair humaine, appuyé sur la lumière noire des si bien nommés fils de la veuve justement, qui, loin de s'inspirer des péroraisons de l'angélique (selon le mythe) Rousseau préféraient le "Systema naturae " de Linné dont les extrapolations racialistes, écho du médecin François Bernier dont les thèses préfiguraient "Mein Kampf". Médecin, comme Guillotin, il y en eût beaucoup dans cette affaire... Au fait, "Che Guevara" aussi était médecin (plus tard bien sûr).
La Terreur (1) quelques temps après, garantissait la liberté de penser comme la "majorité" parisienne sous peine d'égalité dans la mort distribuée fraternellement aux coupables de foi comme aux innocents simplement dénoncés par antipathie. Charles-Henri Sanson lui même, le bourreau officiel qui n'avait pas été remplacé en dépit de la Révolution, fut bien marri d'avoir à exécuter celui qui, dans sa grande magnanimité, lui avait accordé aide et protection pour faire face à d'énormes difficultés financières.
La lame faucha tant de jeunes espoirs qu'en quelques années le coq tomba dans le panier d'un monarque Corse autoproclamé qui ensanglanta l'Europe. On n'est pas certain qu'elle en fut encore tout à fait remise.
Non que je fasse l'apologie de la monarchie ; son principe de base, dans sa forme absolue telle que l'a pratiquée Louis XIV, est totalement irrationnel. Mais je ne crois pas pour autant que nous ayons débouché sur une société meilleure. Je n'ai pas la place ici d'approfondir en détail, mais pour qui se donne la peine d'étudier, on voit que cet assassinat qui jetait au caniveau la tête d'un symbole, n'a en rien servi le pays. 
André Chenier, frère de Marie-Joseph l'auteur du chant du départ, écrivait : "au pied de la guillotine, j'essaie encore ma lyre ; peut-être est-ce bientôt mon tour...". Il fut exécuté deux jours avant Robespierre, qui professait l'abhorration de la peine de mort avant que d'être aux affaires ; un peu comme aujourd'hui Hollande prêchait contre une intervention en terres maliennes avant... mais c'était avant.

On justifie le passé par des mythes, la Révolution en est un qui innocula l'idée virale selon laquelle "la rue" sans Dieu ni maître peut accoucher d'un monde nouveau. Cela ne fut possible qu'en Amérique, parce que les Etats Unis ne combattaient pas un pouvoir et ce n'était pas "la rue" mais une force armée contre une autre, et soutenu justement par ce monarque qui fut ensuite exécuté par les héritiers de cet acte. Parce que l'auto-libération américaine, où Lafayette s'illustra, préfigure et prépare ce qui se passa chez nous, dérapa et accoucha de régimes successifs ni meilleurs, ni pires, que ce qu'il y avait avant. J'ai un jour écrit un long papier sur le colonialisme de la III° par exemple (il faudra que je le retrouve). Contrairement à ce que croient certains nostalgiques, on ne revient pas en arrière. Mais franchement : si ce n'étaient les délires boursiers récents, les Espagnols ou les Anglais sont-ils plus malheureux que nous en monarchie constitutionnelle ? Croyez vous que les Belges s'entre-déchireraient moins sans leur Roi ? 
Les choses sont ce qu'elles sont, construisons l'avenir sur le présent plutôt que de nous justifier des crimes du passé. Je ne parle pas de repentance, je laisse cela au FN, juste de ne pas s'enorgueillir d'un crime de sang et de la pléthore qui lui fait pendant. 
En exécutant Louis XVI nous donnions certes le coup de grâce à un régime qui avait quelques années plus tôt montré son incapacité à se réformer (se conf. aux réformes de Turgot/ex), certes, mais l'assassinat d'hommes, et parmi eux le Roi, n'était pas nécessaire à cela. Plus qu'un homme nous avons tué une morale, induisant pour longtemps l'idée que l'exécution sommaire était une solution à tous les maux. Beaucoup depuis ont su exploiter cette illusion, suscitant des mouvements de masse où la foule se croit libre parce qu'elle s'agite en répêtant un mot d'ordre distillé par des manoeuvriers habiles de la pensée simpliste. Ainsi le troupeau va là où on veut qu'il aille..; magma compact "d'idiots utiles" selon le mot de Trotsky (d'autres l'attribuent à Lénine, mais je l'ai lu de façon explicite dans l'autobiographie du premier).

Il y a 220 ans, la tête d'un pauvre bougre, compagnon serrurier et Franc-Maçon(2) comme Danton et Robespierre, roulait dans le même son que n'importe quel roturier.
Louis XVI était mort
C'est cela l'égalité. La seule que nous avons su vraiment engendrer.

(1) Il y en eût deux : la première Terreur (10 août-20 septembre 1792) et la seconde Terreur (5 septembre 1793-28 juillet 1794) et bizarrement l'exécution de Louis se situe entre les deux.

(2) pour ceux que ça intéresserait mes sources sur la culture maçonnique sont inspirées non seulement de détracteurs, mais aussi de leur propre littérature... D'ailleurs en ce moment je vends quelques exemplaires de leur revue (non j'suis pas "Frère la Lumière" mais généralement bien documenté)